Ça fait 1 an maintenant que j’ai mis en ligne ce blog. 1 an que je n’ai rien fourni.
Mais j’ai une excuse de taille : j’ai vécu l’ouragan majeur IRMA de force 5, le 5 septembre 2017 à Saint-Barthélemy, j’étais dessous, dedans, je l’ai subi, lui et toutes les conséquences post-cycloniques.
Depuis, je me suis défaite et je me suis recommencée.
2017 était déjà une année très difficile pour moi, faite de tourments familiaux encaissés sans broncher, de fatigue accumulée... Mon coeur appelait à l’aide, en tentant de s’enfuir de sa cage thoracique... Un coeur qui déraille ça se sent. J’ai cru qu’il allait s’arrêter de battre fin juin, me faire un tako tsubo silencieux.
Et si la vie était une suite de coïncidences étonnantes qui nous mettent en rapport avec les personnes et les situations qu’il nous faut pour évoluer ?
Mardi 5 septembre 2017... Irma, dragon furieux, déploya ses ailes sous son lourd manteau d’arrogance, embrochant l’île d’orages infectés et des tornades cinglantes, et vint saccager ma vie.
Quand un cyclone arrive, il ne vous tombe pas dessus en deux heures de temps. La météo, les journaux locaux et la radio nous avertissent et nous restons à l’affût des points météo réguliers et nous étions parés à affronter un Luis (cat. 4, 1995). Mais ce que nous n’attendions pas, c’est sa puissance extrême qui aurait classé le monstre en catégorie 6 si elle avait existé.
J’avais stocké plus qu’il nous fallait de nourriture pour tenir le temps d’un cyclone. Tout a été pensé, de l’essence pour la voiture et des jerricanes remplis, de l’argent liquide, deux bouteilles de gaz pleines, du chocolat pour le réconfort, des bougies, des serpillières et des piles. Et une réserve d’eau jusqu’au plafond. La maison était parée, fortifiée. Les plantes et les chats rentrés. Les outils sans-fils, radio, lampes torche, ordinateurs, appareils rechargés.
Dans notre maison-bunker, alors que le loup s’approchait, nous nous sommes couchés tôt, très tôt, pour dormir un maximum, car nous savions que nous serions tirés du sommeil en pleine nuit. Et quand les vents ont commencé à gronder, et ce n’était que le début des hostilités, je me trouvais à mi-chemin entre l’excitation et la frayeur face à Irma. Je ne savais pas quoi faire, allant à chaque point d’ouverture pour vérifier que tout allait bien.
Quand l’électricité a été coupée, nous sommes restés dans le noir avec les hurlements pétrifiants des vents furieux et les bourdonnements infernaux qui se faisaient de plus en plus obsédants. Nous tentions de définir chaque bruit d’impact que la maison recevait. Les grondements extérieurs. Les claquements sur le toit. L’abrutissement. La pression. Les jets de pierres. Les jets de roches. Un impact lourd contre le mur. Un autre impact sur le toit. Les chats qui étaient d’abord planqués se sont mis à tourner en rond en miaulant à la mort, pris de panique. Les murs ont tremblé, la terre tremblait, la maison entière tremblait. Je tremblais.
Les vitres ondulaient et l’eau salée s’infiltrait en gros bouillons par le moindre interstice. Une tornade géante. La radio n’émettait plus depuis longtemps et nous ne savions rien de ce qui se passait.
Quand on a vu que la toiture s’était fragilisée à l’étage, on a descendu en vitesse toutes nos affaires, déménagé le lit et les meubles qu’on pouvait déplacer dans la précipitation... Les volets anticycloniques pouvaient tenir jusqu’à 280 km/h, mais pendant plusieurs heures, les vents soutenus ont largement dépassé les 300 km/h, les capteurs de météo France ont été arrachés après avoir enregistré 360 km/h de vent. Si nos volets se dégondaient, la main d’Irma s’engouffrerait et broierait tout.
Nous étions prêts, s'il le fallait, à trouver refuge dans la baignoire de la salle de bain, protégés de casques de moto et d'un matelas au dessus de nos têtes.
On nous a dit que l’ouragan était « vite » passé... Ça m’a pourtant paru une éternité. On a compris qu’il s’en était fallu de peu... 30 minutes de plus dans cette tempête de rage... et nous perdions tout... notre maison et peut-être nos vies.
Mercredi 6 septembre 2017... Lorsque ça s’est calmé dehors, nous ne savions pas si c’était fini. Aucune radio n’émettait sur les ondes. Nous ne savions pas si le confinement était levé, mais quand les bruits se sont calmés nous sommes sortis de chez nous pour constater les dégâts, ahuris, et nous inquiéter pour nos voisins, tous ébahis.
Plus d’électricité, plus de radio, plus de téléphone terrestre, plus de réseau cellulaire et plus d’internet (forcément). Ça ne semblait pas très important sur le moment comparé à notre île si belle, mise à nue et défigurée.
Nous avons commencé à dégager nos entrées, nos chemins puis les routes principales et les plus téméraires, comme mon mari, sont partis la journée pour déblayer les accès, aider ceux qui pouvaient être coincés et évaluer l’état de la catastrophe. Nous étions tous hagards et ne vivions plus que dans l’instant présent, en mode survie.
Le bouche-à-oreille fonctionnait, et nous avons commencé à avoir des infos des uns des autres, quartier par quartier. Certains avaient tout perdu, leur toit et leurs affaires, mais personne n’est mort, il y a eu des rumeurs de personnes disparues en mer.
Jeudi 7 septembre 2017 : Nous n’avions pas de nouvelle de l’extérieur. Mais par radio-cocotier (bouche-à-oreille), nous avons appris qu’un autre cyclone majeur, José, arriverait 2 jours plus tard, en plein sur les Iles du Nord. Panique psychologique. Nous pansions nos maisons et nous n’avions pas la force de subir ça une seconde fois.
Vendredi 8 septembre 2017 : Une voiture de la Collectivité, munie d’un mégaphone, est venue nous prévenir que nous étions actuellement en « vigilance rouge » et serions en « violet » (confinement) le lendemain samedi midi en vue du passage du cyclone José, samedi.
Il a fallu que nous prenions sur nous, que nous gardions la tête haute. Ne pas flancher. Surtout ne pas flancher. Être forts. Nous avons tenté de réparer au mieux, dans la précipitation, de colmater les trous et fissures et protéger des infiltrations et ce qui pouvait encore l’être dans notre maison, en priant que le toit tienne le coup. Nous n’avions pas d’électricité pour les machines et outils qui pouvaient renforcer nos maisons vulnérables. Il restait la force de nos bras et de nos coeurs preux.
Samedi 9 septembre 2017 : Nous nous sommes préparés au confinement. José n’est jamais passé sur nous. Épuisement.
Si tu peux voir détruit l'ouvrage de ta vie.
Et sans dire un seul mot te mettre à rebâtir...
[Rudyard Kipling]
Lundi 11 septembre : C’est la rumeur d’une alerte au tsunami (avec une vague de 20 mètres !?) qui s’est propagée. On a vaguement eu écho d’un très violent tremblement de terre au Mexique. La rumeur semblait provenir d'EDF Guadeloupe qui demandait à ses équipes intervenantes sur place de fuir le plus haut possible dans les mornes (petites montagnes). Ça a créé un vent de panique. J’étais toute seule, car mon mari était parti lutter avec son équipe, aider et mettre en sécurité les endroits dévastés à l’autre bout de l’île. Les poteaux et câbles étant tombés pendant le cyclone, ils barraient mon entrée de maison et m’empêchaient de quitter ma maison en voiture. J’étais bloquée. Mais surtout affolée de ne pas pouvoir joindre mon mari. Le savait-il ? Allait-il s’en sortir ? J’ai fait un baluchon de survie pour nous deux en moins de 10 minutes en surveillant constamment l’horizon de la mer. L’alerte tsunami a été levée.
D’autres rumeurs, comme celle des pilleurs provenant de St-Martin, devant débarquer en bateau, armés de machettes étaient de l’ordre de la paranoïa. Cette rumeur s'est amplifiée avec la prison de St-Martin qui aurait vu s'échapper ses détenus, ceux-ci auraient ensuite pris d'assaut l'arsenal de la police pour semer la terreur à St-Martin et venir à St-Barth. Nous n’y croyions pas, mais ça nous épuisait encore plus.
On nous annonçait que l’électricité ne serait pas rétablie avant un mois.
Ça a été un combat de tous les jours. L’eau, la nourriture, l’argent, l’essence, les communications...
Les frigos et congélateurs avaient perdu tout leur froid. J’ai cuisiné tout ce qui était frais et nous allions commencer à attaquer les conserves. Nous avions suffisamment d’eau en pack et de quoi tenir une semaine. J’étais heureuse d’avoir une gazinière et pas une plaque électrique, et ça, ça change tout. Le matin la journée démarrais avec un café frais fait à la presse et de l’eau que je faisais bouillir.
Notre maison n’est pas reliée à l’eau de ville (qui, de toute façon, était coupée), nous sommes autonomes avec une citerne de récupération d’eau de pluie. Mais sans électricité, les pompes ne permettent pas l’arrivée d’eau aux robinets. Donc je puisais chaque jour au puits de la citerne de quoi remplir une bassine, un seau et des bouteilles vides. Il en fallait pour les w.c., pour nous laver, de quoi faire la vaisselle quotidiennement, laver le linge quotidiennement, nettoyer la maison. C’est fatigant, mais ça occupe.
Il faisait 34 ° (43 ressentis) à cette époque. Il n’y avait plus un seul arbre pour faire de l’ombre, très peu de vent, et l’air était très humide et étouffant. La maison était ouverte aux quatre vents pour tenter de capter le moindre courant d’air.
Mon mari rentrait de son labeur après la nuit tombée, épuisé d’avoir tant donné physiquement et moralement. Il n’avait aucune boisson fraîche pour le désaltérer, il n’avait pas de bonne douche qui l’attendait, juste un nettoyage avec un seau d’eau. On improvisait un repas à la bougie, qui avait l’avantage d’être romantique. Et au moment de dormir, sans climatisation, dans un pays tropical cycloné... c’était au tour des moustiques de venir nous tourmenter.
Tout s’est organisé spontanément et intelligemment sur l'ile. Des bénévoles se sont présentés spontanément pour le déblayage, le ramassage des déchets, des ordures. Des groupes électrogènes ont été prêtés pour nos 3 pharmacies. Les personnes âgées qui ne pouvant pas se déplacer ont eu des repas préparé, les gens qui devaient être secouru, hébergés ou qui voulaient être évacués ont été pris en charge...
Les supermarchés auraient dû avoir suffisamment dans leur stock, en attendant qu’un bateau de ravitaillement ne débarque. Mais la toiture de notre plus grand supermarché a été touché par l'ouragan, une partie de ses dépôts aussi. Les gens qui n’avaient pas fait de réserve de nourriture s’y sont précipités et ça a été la cohue. Très vite, il n’y eut plus rien de frais à manger. Sauf des poivrons. Des conteneurs de nourriture pour notre ile sont restés bloqués sur St-Martin, notre île-soeur qui a eu, elle, cette demi-heure fatale à leur résistance, et qui avait plus besoin d'aide et de nourriture que nous.
De toute façon, encore fallait-il que notre port maritime soit opérationnel pour que les bateaux porte-conteneurs puissent accoster et la houle ne le permettait pas. Nous ne comptions sur personne d’autre que nous-mêmes.
De la générosité et de l’entraide se sont mises en place spontanément. Les supermarchés et supérettes ont fait des sacs de ravitaillement gratuits qu'ils distribuaient au plus démuni. Sur la route, on nous offrait des victuailles sortis des dépôts frigorifiés en panne, avant qu'elles ne périssent. Et avec un bout de lard, je faisais le soir même, un vrai plat accompagné de lentilles et de patate douce.
Un voisin plus loin, relié au groupe électrogène d’un hôtel encore sur pied, me congelait des bouteilles d’eau de citerne pour qu’on maintienne au frais dans une glacière quelques produits que j’essayais de trouver en partant chaque jour en quête de nourriture.
Vous vous demandez, « et les pêcheurs ? Le poisson ? » Je me suis posé la même question. Déjà, les pêcheurs s’occupaient de réparer leur maison et leur bateau, mais quand la mer a permit qu’ils sortent... Les poisson avaient déserté, la mer était vide. Les fonds marin ont été tout autant détruit que la végétation terrestre.
Sur les hauteurs de Gustavia, une mini zone de réseau pour les cellulaires Orange, limitée à une dizaine de personnes, a permis à chacun de rassurer ses proches. Parce qu’a notre peine s’ajoutait le tourment de n’avoir pas pu rassurer nos proches depuis plusieurs jours. N’ayant aucune information de l’extérieur, nous ne savions même pas ce qui se disait sur nous aux informations télévisés et à quelle sauce nous étions cuisinés.
Nos premières paroles avaient été « on est en vie »... et aujourd’hui, je mesure toute l’importance de cette phrase « on est en vie »...
On est en vie.
Notre Président de Collectivité, Bruno Magras, faisait des réunions quotidiennes pour établir les mesures à tenir pour les prochains jours. Là encore, le bouche-à-oreille fonctionnait et ça remontait rapidement dans chaque quartier. Il a mis tout en oeuvre pour aider ceux qui étaient le plus en détresse et trouver des solutions rapidement sans passer par des protocoles de paperasses administratives ubuesques qui nous auraient anéantis. Il a fait ce qu’il fallait, comme un père l’aurait fait dans l’urgence pour la survie et le bien-être de ses enfants.
Les informaticiens de l’île ont été réquisitionnés pour réparer la station de radio que nous puissions rester informé localement.
On pense qu’il y a eu 1500 à 2 000 départs en quelques jours (20 % de la population). Il y a ceux qui sont traumatisés, ceux qui ont tout perdu et ceux qui abandonnent le navire, car la saison touristique à venir était morte pour eux.
Beaucoup de ceux qui sont restés craquaient, nous étions tous fatigués, épuisés, vidés. Les gens avaient besoin de parler et d’évacuer alors ceux qui n’ont pas les bras pour réparer, sont là pour soutenir. On a chacun un rôle à jouer.
Chacun a nettoyé chez lui, pansé sa maison. On a pris soin de notre cailloux. Vu le travail effectué, il y a une certaine fierté d’appartenir à cette communauté de courageux qui remettent l’île debout.
L’état de catastrophe naturelle a été décrété, les hôtels de l’île dévastés ne rouvriront pas avant novembre 2018. Les agences ont succombé sous les annulations.
Air France a supprimé tous ses vols entre les Iles du Nord et la France pendant 6 mois. Ce qui veut dire que ça compliquait la vie à ceux qui devaient voyager, mais aussi que nous ne recevions ni le courrier ni les colis ni la presse et que les médicaments ont pris une claque niveau prix puisqu’ils passeraient dorénavant par la Guadeloupe et que là-bas à été appliqué des taxes supplémentaires et de lourds frais d'envoi. Nous avons tous eu le sentiment d'être abandonnés.
Tous les courriers et colis se sont retrouvés bloqués en Guadeloupe. Pas ralenti, non, bel et bien bloqués. Nos familles et nos amis de métropole qui voulaient nous envoyer des colis pour nous soutenir se sont retrouvé le bec dans l’eau. Ce n'est qu'en février 2018 qu'on a commencé à recevoir au compte-gouttes du courrier. Mauvaise pioche quand on a reçu les courriers administratifs avec appels de cotisations, majorées pour le retard.
Après quelques semaines, on attendait qu'un ou deux restaurateurs ouvrent son restaurant parce qu’on n'en pouvait plus et on avait besoin de sortir de notre quotidien pesant, avoir d’un vrai repas digne de ce nom, en compagnie des autres, parler tous ensemble... mais il n'y avait toujours pas d’électricité et pas assez de nourriture pour tout le monde.
On a pu faire à nouveau de l’essence sans être rationné après un mois.
Comme beaucoup, j’ai perdu mon travail. Sans internet, avec des appareils qui ont pris l’humidité, un ordinateur mort et l’autre en souffrance… je ne pouvais pas faire grand-chose. J’ai donc décidé d’arrêter mon métier de graphiste. (Au jour où j’écris cet article, soit un an après, je n’ai toujours pas internet).
Notre pépinière a été dévastée. Complètement anéantie. Il ne restait plus rien. Nos coeurs étaient brisés. Nous avons attendu deux mois avant de commencer à nous en occuper, tellement son état nous désolait. Nous ne savions pas par où commencer, il n’y avait même plus de clôtures ni le moindre mur. Plus rien. Une équipe est venu déblayer. J’ai essayé de sauver ce que je pouvais. Je relevais les plantes rescapées, délicatement, je les nettoyais, je leur parlais, je les bichonnais, je les berçais et il m’arrivait même de pleurer en leur compagnie silencieuse.
Ma plus belle motivation à tenir le coup étaient ces plantes souriantes à la vie que je voyais réagir et se redresser, ces bébés-pousses qui naissaient, ce vert si vif qu’il m’éblouissait. Je les voyais revivre... Si elles le pouvaient, nous le pouvions tous.
Au quotidien, je m’occupais des plantes et je faisais pousser des tomates. J’ai trouvé des bébés gaïacs que j’ai mis en pot. J’abreuvais les iguanes affamés qui s’aventuraient dans les jardins déplumés. Je nourrissais de sucre les sucriers (petits oiseaux jaunes et noirs). J’ai mis du miel aux abeilles, très agressives faute de nourriture. Les fruits et légumes gâtés allaient aux tortues baladeuses et du pain rassit, trempé d’eau, pour les poules et coqs sauvages.
Les chats n'ont fait que dormir depuis l’hystérie qu’ils ont eue pendant l'ouragan.
Je parlais avec les anciens, j’apprenais leurs histoires personnelles fascinantes. Je regrette qu’il n’y ait plus beaucoup d’artisanat, mais je vois ma voisine à son ouvrage de feuilles de lataniers pour en faire des pochettes ou des corbeilles à pain.
La respiration en cohérence cardiaque à été le meilleur outil de maintien du courage, du moral, de l’énergie que j'ai trouvé.
Je n’ai pas flanché. J’ai accepté les évènements qui sont survenus, sans jugements. J’ai su me réinventer et je n'ai pas abandonné mon paradis. Je l’aime pour le meilleur et pour le pire. C’est aussi ça, mon visa pour l’île du bonheur.
Nous sommes allés boire une bière sur la tombe de notre regretté propriétaire, plein de gratitude pour lui, d’avoir construit dans le respect des secrets de la charpente propre à cette île tourmentée par les cyclones, résistant aux vents devenus fous.
Et j’allais oublier... lors de l’ouragan, j’ai eu un « reset » de mon coeur et de mes émotions passées. Une remise à zéro des compteurs. L’ouragan avait une telle ampleur qu’il balayait avec lui mes sources de stress et de ma souffrance muette, emportant tout sur son passage et il réclamait toute l'attention. Je ne suis jamais aussi bien portée qu’après cette traversée du feu.
Et je suis très consciente de ma chance et très reconnaissante envers la vie qui m’apporte de belles perspectives dans ce drame. Je suis reconnaissance envers moi-même d’être aussi forte, courageuse et positive, parce que quand je disais « tout va bien » c’était seulement vrai pour moi, personne ne va bien, les gens sont traumatisés, fragilisés ou démoralisés et je ne me rendais pas compte de mes capacités hors du commun. Je suis reconnaissance envers moi même de trouver des opportunités de rebondir, de créer, de trouver de la beauté, de belles valeurs, de la bonté partout.
Et bien sûr je suis pleine de gratitude en savourant, chaque jour, le fait d’avoir retrouvé l’électricité, d’avoir un bon lit confortable au sec et au frais, d’avoir de l’eau au robinet et une douche chaude, d’avoir un réfrigérateur qui conserve mes aliments, d’avoir une machine qui lave toute seule le linge. Et d’avoir un soleil souriant qui met toujours du baume à mon coeur.
J’aborde la rentrée 2018, pour l’anniversaire du passage d’Irma, avec gratitude. Tout ce qui nous arrive fait partie d’un plan plus vaste qui se réalise pour une bonne raison, il y a des aspects positifs et des bénédictions cachées partout même dans certains de nos combats les plus traumatisants.